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Licenciements : ce qu’il est possible d’exiger tout de suite

dimicolif.jpgPar Yves Dimicoli, économiste, membre de la direction nationale du PCF

Total a annoncé, pour 2008, un bénéfice net de 13,9 milliards d’euros, un dividende en hausse de 10 % (2,28 milliards d’euros) et, pour 2009, 550 suppressions d’emplois ! Ce n’est pas un cas isolé ! L’an dernier, les groupes du CAC 40 ont réalisé pour quelque 75 milliards d’euros de bénéfice net (très inférieur aux profits réels), malgré le retournement de la conjoncture au second semestre. Nombre d’entre eux ont accru les dividendes versés aux actionnaires. Tous s’apprêtent, cette année, à réduire leur masse salariale. L’emploi sert, plus que jamais, de variable d’ajustement et les « charges salariales » sont considérées comme le coût à réduire. Si on laisse faire, cela peut contribuer à transformer la récession en dépression.
D’un côté, on accentue l’insuffisance de la demande et des qualifications, d’un autre côté, on ne touche pas aux énormes « coûts en capital » qui étouffent l’activité : intérêts payés aux banques et aux créanciers, dividendes versés aux actionnaires, gâchis d’équipement, prélèvements des donneurs d’ordres sur les sous-traitants, rentes de la grande distribution… Sans parler de tout l’argent qui, au lieu de servir au développement des capacités humaines, est placé dans la finance, cherche toujours à spéculer ou est délocalisé.arton3556-a8369.jpg

Alors oui, il faut exiger des mesures radicales pour stopper cette fuite en avant. Ainsi, il est justifié de demander l’interdiction des licenciements en cas de paiement de dividendes, car ceux-ci doivent être mis à contribution avant tout. Cependant, on ne peut se contenter de cette revendication, cela ne ferait pas le compte. La gravité sans précédent des problèmes d’emplois appelle, en effet, une tout autre ampleur des réponses, depuis des mesures immédiatement possibles jusqu’à des transformations très profondes. D’abord, il y a des sociétés qui ont versé « zéro dividende ». Cela y rendrait-il les licenciements plus incontournables ?aff_bourseoulavie.jpg
De plus, dans les groupes, la réduction des emplois se fait surtout par d’autres voies que les « licenciements pour motif économique » : on pousse aux « départs volontaires », on renvoie « pour faute », on n’embauche pas pour remplacer les départs, les fins de CDD ou de « missions d’intérim », on recourt massivement au chômage partiel… Les dirigeants de PSA et de Renault avaient juré de ne procéder à aucun licenciement en 2009, en contrepartie d’aides d’État, mais ils annoncent 18 000 suppressions d’emplois. Le gros des licenciements économiques se fait dans les PME confrontées à la réduction brutale des commandes des donneurs d’ordres et à un « rationnement » du crédit, les banques utilisant les aides publiques pour augmenter leurs marges. C’est cela qui explique l’envolée des faillites qu’aucune interdiction des licenciements n’empêcherait. En même temps, le plus important plan de suppressions d’emplois organisé en France est le fait de l’État (30 000 pour 2009) avec, notamment, le non-remplacement d’un départ de fonctionnaire à la retraite sur deux, au nom de la lutte contre les déficits. C’est le service public qu’on assassine avec un contrecoup récessif sur l’activité économique d’ensemble, ce qui accroîtra le déficit public… Et puis, il y a tous les chômeurs qui, légitimement, ne se sentent guère concernés par ce qui ne se présenterait que comme une réclamation d’interdiction des licenciements. Eux, ils ont besoin que les entreprises créent des emplois et d’un redoublement des efforts pour une formation de qualité bien rémunérée. Pour arriver à responsabiliser socialement les entreprises il faut conquérir, tout de suite et en fait, des pouvoirs effectifs des salariés pour réorienter les gestions des entreprises et changer leurs relations aux banques, en exigeant un changement de la loi et des droits en ce sens. Dès lors qu’une entreprise envisage de supprimer des emplois, les comités d’entreprise et les délégués du personnel devraient pouvoir s’y opposer en pratique, les faire suspendre le temps de faire valoir des contre-propositions. Celles-ci viseraient à réduire d’autres coûts que les coûts salariaux (les coûts en capital), et bénéficieraient, pour cela, d’un nouveau crédit bancaire. Les employeurs seraient obligés de les examiner et s’ils les refusent, un arbitrage devrait départager, avec une extension de la juridiction prud’homale pour régler les conflits sur l’emploi comme sont réglés les conflits du travail.
Il faut, en outre, développer considérablement les contributions des entreprises et des fonds publics à la formation rémunérée de qualité, notamment contre le chômage partiel, pour revenir à l’emploi à temps plein, en exigeant une tout autre ampleur du fonds d’investissement social concédé, sous la pression des luttes, par le chef de l’État.
Tout de suite, dans chaque département, on peut exiger des préfets un moratoire sur les suppressions d’emploi et la réunion de tables rondes pour discuter des propositions alternatives des syndicats et des élus, en attendant une loi en ce sens. Tout de suite, dans chaque région, on peut exiger la création d’un fonds public à partir d’un redéploiement des aides régionales aux entreprises. Il prendrait en charge tout ou partie des intérêts versés aux banques par les PME pour leurs crédits, en fonction d’objectifs chiffrés d’emplois et de formation, et servirait, ainsi, de point d’appui aux luttes contre le chômage et la précarité. En même temps, on exigerait de l’État qu’il suspende toute aide publique aux groupes qui veulent supprimer des emplois et leur impose le remboursement des aides déjà versées. On réclamerait que cessent les exonérations de cotisations sociales patronales qui coûtent 30 milliards d’euros à l’État. Doté de cet argent, un fonds national pour l’emploi, partie prenante d’un pôle financier public, servirait à diminuer d’autant plus le coût du crédit pour l’investissement des entreprises que celles-ci programmeraient plus d’emplois et de formations.
D’ailleurs, puisque les grandes banques disposent de quelque 360 milliards d’euros grâce à l’État, elles doivent participer, en fonction de ce dispositif, à une mission de service public du crédit, sécurisant l’emploi et la formation. Elles devraient contribuer à l’action d’un grand pôle financier public constitué autour de la Caisse des dépôts et de certaines nationalisations. Le nouveau crédit qui serait ainsi développé devrait être appuyé sur la BCE pour se « refinancer », en contradiction avec l’orientation actuelle de sa politique de taux d’intérêt. En effet, pour que l’Europe ne sombre pas dans la déflation, il faut en finir avec le dogmatisme anti-inflation de M. Trichet et l’« indépendance » pro-marché financier de la BCE. Le taux d’intérêt de son refinancement devrait être fortement augmenté pour les crédits servant aux opérations financières. Et, grâce à la création monétaire, il devrait être d’autant plus abaissé, jusqu’à zéro et même devenir négatif, pour les crédits en investissements réels que ceux-ci programmeraient plus d’emplois et de formations.
En réclamant de mettre fin à l’immense gâchis des aides publiques aux entreprises et aux banques, au « bouclier fiscal », en revendiquant la suppression du pacte de stabilité, il s’agirait aussi de viser une relance des dépenses de services publics. Au-delà d’un moratoire sur les suppressions d’emplois publics à exiger sans attendre, il faut une expansion nouvelle et durable des services publics. Les élections européennes seront l’occasion d’en exprimer la nécessité en votant pour les candidats du Front de gauche et en développant, dans la campagne électorale, leurs propositions alternatives appuyées sur les luttes de terrain.

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