Le samedi 26 avril dernier, le Parti communiste invitait ses militants, les citoyens des Bouches-du-Rhône devant le siège social de l'Union patronale du département pour y apposer une plaque : Compagnie mondiale des affameurs. Voici en intégralité cette matinée avec le discours de notre secrétaire fédéral, Jean-Marc Coppola« Les femmes avaient paru, près d’un millier de femmes, aux cheveux épars dépeignés par la course, aux guenilles montrant la peau nue, des nudités de femelles lasses d’enfanter des meurt-de-faim. Quelques-unes tenaient leur petit entre les bras, le soulevaient, l’agitaient, ainsi qu’un drapeau de deuil et de vengeance. D’autres, plus jeunes, avec des gorges gonflées de guerrières, brandissaient des bâtons ; tandis que les vieilles, affreuses, hurlaient si fort, que les cordes de leurs cous décharnés semblaient se rompre. Et les hommes déboulèrent ensuite, deux mille furieux, des galibots, des haveurs, des raccommodeurs, une masse compacte qui roulait d’un seul bloc, serrée, confondue, au point qu’on ne distinguait pas les culottes déteintes ni les tricots de laine en loques, effacés dans la même uniformité terreuse. Les yeux brûlaient, on voyait seulement les trous des bouches noires, chantant la Marseillaise, dont les strophes se perdaient en un mugissement confus, accompagné par le claquement des sabots sur la terre dure. Au-dessus des têtes, parmi le hérissement des barres de fer, une hache passa, portée toute droite ; et cette hache unique, qui était comme l’étendard de la bande, avait, dans le ciel clair, le profil aigu d’un couperet de guillotine. » (…) Un grand cri s’éleva, domina la Marseillaise : " Du pain ! du pain ! du pain ! " ».
Ce sont les mots de Zola, qu’appelle la situation actuelle.
Ce sont les mots de Germinal, dont on nous a dit que le temps était révolu. Le monde crève de faim. Il est de plus en plus difficile de se nourrir, de se loger, de s’habiller... de vivre.
Ici, nous n’en sommes pas encore aux émeutes de la faim, mais la misère et la faim existent de plus en plus dans notre pays. Et les émeutes d’Haïti et d’ailleurs ne sont pas sans rappeler, dans un registre un peu différent, celles des banlieues. En Afrique, on a mis à la porte les petits paysans, on a imposé des monocultures d’exportation, on a cassé la protection sociale, les services publics. Dans notre pays, ce sont les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre. Et l’on continue de s’en prendre au pouvoir d’achat, aux salaires et aux pensions, en s’attaquant à la prime pour l’emploi, au droit à la retraite, aux allocations familiales, aux remboursements des soins, au livret A, aux logements sociaux…
On ! Qui est on ? Qui sont les affameurs ?
Car il y a des responsables à cette situation, il y a des gens qui font des choix chaque jour, des choix qui affament les hommes et les femmes de notre monde. Une hausse de 80% pour les produits laitiers, de 42% pour les céréales. 37 pays dans une situation d’urgence allant jusqu’à des émeutes de la faim, une tonne de riz thaïlandais dont le prix passe de 200 dollars en 2003 à 760 en 2008. Jean Ziegler, l’ancien rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation a pointé la Banque mondiale, l’OMC, le FMI qui refusent le "droit de l’homme à l’alimentation" et imposent aux États les plus vulnérables la privatisation des institutions et des services publics, la libéralisation du commerce agricole et le modèle de réforme foncière fondé sur le marché, avec "des conséquences particulièrement catastrophiques". En France, 200 produits de base ont augmenté de plus de 10% en moyenne sur un an. Le gaz a augmenté de 10% sur 4 mois seulement. 10% des ménages vivent avec moins de 845 euros par mois. La moitié des français vit avec moins de 1500 euros par mois. 15 milliards ont été accordés comme cadeaux annuels aux plus riches dès l’entrée en fonction de Sarkozy. 40 milliards viennent d’être distribués aux actionnaires des grandes entreprises du Cac 40. La richesse du monde n’est pas partagée. Dans notre pays comme ailleurs, la part des richesses créées revenant à celles et ceux qui travaillent diminue de façon colossale, tandis que la part qui revient au capital augmente tant et plus.
Il y a toujours plus d’argent pour la finance, pour les actionnaires, pour les riches. Et il y a toujours moins d’argent pour l’immense majorité des gens. Je n’ai pas peur des mots. Les images ont changé, mais si ce n’est pas de la lutte des classes... Et ce n’est pas pour rien, ou plutôt, justement, si, c’est pour rien, que l’on nous demande de travailler plus ! C’est sur notre assiette, sur nos caddies, sur notre pain que les banquiers et les actionnaires se font de l’argent. C’est la loi du système, c’est la loi de quelques uns qui décident pour tous. Certains disent qu’il suffirait de "corriger" quelques excès. Nous pensons qu’il faut revoir profondément l’organisation des choses... Les exemples se multiplient pour dire que les logiques capitalistes conduisent le monde à sa perte. Ces logiques elles s’incarnent dans les choix de l’Europe libérale, des Banques centrales, du FMI avec leurs prétendues libéralisations et leur dogme de la "concurrence libre et non-faussée", que nous avons rejetés lors du référendum. Les richesses produites peuvent permettre de vivre bien ensemble si elles sont partagées.
Et si l’être humain est mis au centre des choix.
Sarkozy a eu le culot de se présenter comme le Président du pouvoir d’achat ; il n’a pas précisé de qui. En tout cas, pas des salariés, pas des chômeurs, pas des retraités. Pas des gens comme vous et moi. Toutes ses mesures sont allées engraisser les patrons du CAC 40, qui n’en avaient pas besoin. Et au plan international il soutient ces politiques de famine. La voix de la France dans le monde accompagne ces politiques de chaos. Avant-hier, dans un exposé long et laborieux, le Président a daigné reconnaître quelques erreurs de méthode. Mais la méthode de Sarkozy est à l’image de son projet et de ses mesures dont il a annoncé la poursuite sans ambages.
C’est pour cela que nous sommes ici.
Nous sommes ici parce que nous sommes révoltés.
Nous sommes ici parce qu’il y a urgence.
Nous sommes ici parce qu’avec le monde entier nous avons faim.
Nous sommes ici parce que nous voulons notre pain quotidien.
Nous ne sommes pas ici par hasard.
Nous sommes ici parce que les premiers responsables de cette situation sont les grandes multinationales qui délocalisent, font pression sur les salaires, précarisent, exploitent, pillent les ressources.
Nous sommes ici parce que l’argent existe et qu’il est là !
Nous sommes ici parce que nous avons décidé de rebaptiser ce siège, le siège du MEDEF, en ce qu’il est vraiment dans ce qu’il défend, et on le voit encore dans les attaques violentes portées par son président contre les salariés du Port et le Port lui-même.
Nous dévoilons aujourd’hui la nouvelle plaque dorée de ce bâtiment : Compagnie mondiale des affameurs.
Nous en avons assez que nos vies soient des objets de spéculation.
Nous voulons que l’argent soit utile, que le FMI œuvre à développer les services publics aux populations, que l’OMC soutienne les paysans du monde et les cultures locales, qu’elle œuvre pour la souveraineté alimentaire.
Nous voulons que les hommes et les femmes qui travaillent aient un vrai salaire.
Nous demandons un Grenelle des salaires, avec une augmentation pour tous de 100 euros, puisque c’est ce que demandent de nombreux salariés.
Nous demandons l’arrêt de la spéculation, et l’intervention publique sur les prix à l’échelle nationale et internationale.
Nous demandons l’arrêt des mesures indignes contre les remboursements des soins, le droit au logement…
Nous demandons la justice.
En ce printemps, 40ème anniversaire, d’un beau printemps, beaucoup (et le directeur du CREDOC – Centre de Recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie - le dit clairement) ils redoutent le risque d’une large contagion des revendications sociales qui commencent par exemple à se répandre dans la distribution. Ils ont raison, car les deux prochaines hausses du SMIC, va élargir le nombre de smicards, dans notre pays, mais va surtout élargir le nombre de pauvres, de précaires. Et devant la hausse des prix durable et insoutenable, une augmentation des rémunérations devient alors nécessaire et indispensable. Nous nous emploierons, comme nous le faisons ce matin à dénoncer, à relever la tête, à ouvrir une perspective pour surmonter la résignation et le renoncement. Les moyens existent dans notre pays et dans le monde. Nous nous emploierons à rassembler les hommes et les femmes, par delà les organisations et tant mieux si elles sont là, et à élargir non seulement le cercle de la contestation, mais surtout le cercle pour construire une alternative politique.
Nous y sommes disponibles et nous agissons.